Liens entre la résurgence du choléra en Afrique et El Niño

un appel urgent à renforcer les efforts d'élimination du choléra

Dans un récent commentaire publié dans le Pan African Medical Journal, plusieurs auteurs expliquent la résurgence du choléra en Afrique potentiellement induite par les conséquences climatiques d'El Niño. Ils appellent de toute urgence à des efforts renforcés pour contrôler et prévenir la maladie.

El Niño est un phénomène caractérisé par un réchauffement anormal de l'océan Pacifique qui entraîne des changements significatifs des conditions météorologiques dans le monde entier (1). Des études ont montré que les phénomènes El Niño sont associés à une augmentation des précipitations en Afrique de l'Est et à une diminution des précipitations en Afrique australe, en Afrique de l'Ouest et dans certaines parties du Sahel (1). La diminution des précipitations peut entraîner une pénurie d'eau et un accès insuffisant aux sources d'eau potable, ce qui oblige les communautés vulnérables à utiliser de l'eau contaminée et à réduire les pratiques d'hygiène appropriées. Par ailleurs, les fortes précipitations et les inondations peuvent entraîner la contamination des sources d'eau potable et perturber les infrastructures d'assainissement. Ces deux scénarios augmentent le risque de transmission du choléra dans les zones touchées par des épidémies. L'un des événements El Niño les plus forts jamais enregistrés s'est produit de 2015 à 2016. L’année suivante, en 2017, les cas de choléra dans le monde ont augmenté de 828 % et les décès de 133 % par rapport à 2016 (2).

En 2023, une recrudescence des cas de choléra a été observée dans de nombreux pays d'Afrique, notamment au Malawi, au Mozambique, au Zimbabwe, au Kenya, en Éthiopie, en Somalie, en République démocratique du Congo, au Cameroun, au Nigeria et au Soudan (3,4). Après l'apparition des conditions El Niño en juillet 2023, les prévisions indiquent qu'il y a plus de 80 % de chance qu'El Niño se poursuive jusqu'en mars-mai 2024 (5). Compte tenu des liens observés entre El Niño et la transmission du choléra, il existe un risque élevé d'augmentation des épidémies de choléra cette année.

Il est donc essentiel de garantir une action cohérente et coordonnée à tous les niveaux pour atténuer l’impact de ces épidémies sur les systèmes de santé et sur les sociétés en général. Les pays touchés et à risque, ainsi que toutes les agences de soutien, devraient revoir leurs plans stratégiques de lutte contre le choléra afin d'adapter le ciblage géographique des interventions en tenant compte des défis posés par El Niño. Il est également urgent de renforcer le leadership national pour une gestion plus efficace de la lutte contre le choléra à tous les niveaux. Enfin, les agences d'aide internationale qui luttent contre les épidémies de choléra devraient également harmoniser leurs approches pour soutenir les pays, en adaptant chaque stratégie opérationnelle en fonction de la classification actualisée des « hotspots » de choléra.

Références

  1. Moore SM, Azman AS, Zaitchik BF, Mintz ED, Brunkard J, Legros D, et al. El Niño and the shifting geography of cholera in Africa. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017 Apr 25;114(17):4436–41.
  2. World Health Organization. Cholera case and death numbers by country [Internet]. The Weekly Epidemiological Record. Available from: https://www.who.int/wer/en/
  3. WHO. Weekly Bulletin on Outbreaks and other Emergencies: Week 40: 02 October - 08 October 2023 [Internet]. 2023 Oct [cited 2023 Oct 30]. Available from: https://reliefweb.int/report/ethiopia/weekly-bulletin-outbreaks-and-other-emergencies-week-40-02-october-08-october-2023-data-reported-1700-08-october-2023
  4. Cholera platform. Cholera Outbreaks in Central and West Africa : 2023 Regional Update - Week 1 - 39. 2023.
  5. FAO. El Niño: Anticipatory Action and Response Plan, October 2023–March 2024 [Internet]. 2023. Available from: https://www.fao.org/documents/card/en/c/cc8496en